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Vous avez bien avancé dans votre bilan de compétences et il ne vous reste plus qu’à faire votre CV, votre lettre de motivation, à répondre à une offre d’emploi, ou à appeler untel pour lui demander un entretien d’enquête… Mais voilà, vous ne le faites pas. Vous le ferez demain. Ou après-demain. Et vous vous trouvez de bonnes raisons à cela : « tu ferais mieux d’attendre, tu n’en sais pas assez, et si tu n’as pas le rendez-vous… »
Ces moments où un espoir vague et vainement entretenu qu’il vous arrive quelque chose peuple vos journées, que vous passez en compagnie de vos insuffisances, de vos déceptions passées… En attendant la fin du monde (ou la fin de la procrastination) vous nourrissez le mode survie : « si je ne bouge pas on ne me verra pas, et je ne prendrai pas le risque de vivre passionnément, pour ne pas prendre celui d’être – encore – déçu », ou encore « il faut que je me protège, après mon burnout… ».
OK, et vous vous y prenez comment ? Qu’est-ce que vous faites ? Qu’est-ce que vous ne faites pas ? Pendant que vous procrastinez, vous vous occupez comment ? En ruminant dans une ambiance interne négative faite de doutes, d’hésitations, et de comportements de fuite ? Dans la lecture, le téléphone, les podcasts, le sport à outrance, et diverses autres addictions pas assez emmerdantes pour être inquiétantes (il y a pire…), mais assez envahissantes pour occuper vos journées.
Voici quelques unes des peurs qui nous freinent au moment de passer à l’action (et qui sont parmi les VRAIES raisons de la procrastination) :
Lorsqu’il n’y a plus que le mot procrastination pour expliquer votre inertie, le moment est venu de comprendre que celle-ci est une conséquence et non une cause. L’énergie disponible, au lieu de s’orienter sur le passage à l’action, se focalise sur « ce qui ne va pas ». C’est le temps des « oui mais », bref, vous freinez des quatre fers.
Commençons par aborder quelques fondamentaux de la psychologie humaine. Car si nous n’avançons pas, cela peut-être à cause d’un environnement défavorable (disons-le, s’il y a la guerre dans votre pays, il devient plus difficile de trouver un job ou de créer sa boîte) ou par malchance (oui ça peut exister, si vous tombez dans un trou, ce n’est pas nécessairement parce que vous avez eu des pensées négatives…). Les épreuves, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, et c’est un autre sujet. Mais ce qui dépend de vous, c’est votre vécu des choses et des événements. Et votre psychisme va interpréter votre vécu comme il peut. Il faudra donc détricoter l’aspect psy avant de mettre en place des changements comportementaux et notamment le comportement dit « procrastination ».
Alors voyons cette peur de l’effacement. Ses causes peuvent être multiples, mais prenons un exemple : vous êtes enfant, et comme tout enfant, vous voulez être vu, remarqué, vous cherchez à attirer l’attention. C’est comme cela que l’enfant apprend à vivre : en constatant l’effet de ses comportements sur les autres. En outre, il faut que vous soyez vu pour être nourri, protégé, que l’on subvienne à vos besoins et accessoirement, que l’on vous aime.
Dans la plupart des familles, on vous protège, on vous nourrit, et on vous « élève » comme on peut, c’est-à dire en gros en faisant la même chose que les parents (ou le contraire, ce qui revient au même). Et on vous aime, mais pas forcément comme vous voudriez être aimé… Si on avait, ou prenait le temps, de vous aimer, cela donnerait : des câlins, des jeux en famille, de l’écoute, des conversations, du respect, des explications, surtout en matière d’émotions. Cela donnerait la liberté de faire vos expériences sans vous juger.
Dans le cas de l’effacement, il se peut que Maman (ou Papa) ait fait une dépression. Il (ou elle) ne voyait plus que sa souffrance, tout le reste était en trop. Et la petite fille (ou le petit garçon) s’est efforcé de ne pas déranger car quand il dérange, Maman (ou Papa) va mal. Il finit par se dire qu’il prend trop de place, que c’est très grave quand il fait des bêtises et il va devenir discret et silencieux. Une fois adulte, il ne s’agira surtout pas de se jeter à la tête des gens, hein ! Trop exister était dangereux pour l’équilibre familial, maintenant cela l’est pour l’équilibre intérieur. Et puis il y a le bénéfice caché : répéter le schéma familial du rejet.
Rejeté dans son énergie d’enfant au profit de la souffrance et de la dépression, la loi devient : « quand je suis trop présent, cela fait souffrir ». Et quand je me retrouve tout seul dans ma chambre, je suis tellement seul, isolé… Mon choix d’effacement va provoquer une souffrance telle que je vais faire en sorte d’exister quand même un peu, ce sera déjà pas mal… Et si au moment où j’arrive dans la cuisine, j’entends Maman dire à Papa : « Qu’est-ce qu’il est sage ! Heureusement parce qu’avec ma dépression, comment je ferais… » Alors tout est accompli.
Il existe bien sûr d’autres raisons à la stratégie d’effacement : ce n’est pas parce que tu as les meilleures notes de la classe que tu dois te vanter ; il faut être un bon chrétien qui tend l’autre joue ; il faut savoir rester à sa place (sociale par exemple). Chaque fois, il s’agit d’un choix que nous avons fait, enfants, sous la pression des événements constitutifs de notre vie. Et ce choix nous a permis d’arriver jusqu’ici alors pas question d’en changer si facilement !
Alors envoyer un CV ou demander un rendez-vous, ça risque de déranger. Je vais attendre, évaluer le risque, chercher le bon moment… Voire ne jamais faire l’expérience du tout pour ne pas risquer celle trop souffrante du rejet.
Et si vous demandiez cet entretien tant convoité et que vous l’obteniez ? Cela invaliderait toutes vos croyances, cela vous obligerait à imaginer qu’exister pleinement est possible et que le risque en vaut la chandelle, que vous valez plus qu’une dépression, que vous n’êtes pas obligé de faire une dépression vous aussi…
Alors si vous décidez de vivre pleinement, quelles ressources, richesses et talents trop longtemps enfouis se révéleront-ils à vous ?
Ce que vous êtes en capacité d’honorer dans l’éducation que vous avez reçue construit votre résilience. Que devez-vous rejeter ? Et si devenir adulte – adultus, celui qui se laisse modifier, conduire autrement – consistait à la fois à « honorer son père et sa mère », comme il est dit dans Matthieu (15,4) ; et à assumer pleinement d’où je viens tout en « quittant son père et sa mère »* (c’est-à-dire quitter ses peurs) ?
Un bon bilan de carrière (ou de compétences) aurait alors plusieurs fonctions :
Et finalement, vous montrer le chemin de libération qui réside dans le « laisser venir », l’ouverture à l’inconnu et le désir fou de se laisser surprendre par la Vie.
26/05/2023 – Véronique Campillo – tous droits réservés
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